Aujourd'hui, pas de photo, juste une petite anecdote : celle des montagnes russes
Tant qu'on ne l'a pas vécu, on ne peut pas comprendre. Comment font ils donc ? comment font ils donc pour nous apporter une joie immense, une fierté sans nom, puis dans la minute d'après, nous plonger dans une profonde déception, une désolation monumentale, voire une véritable panique ?
Comment peut-on passer d'un extrême à l'autre en l'espace de quelques instants seulement ?
Eh bien je l'ai vécu aujourd'hui. Petit récit des faits.
16h15 : Pierre et Victoria sont à table pour le goûter. Ca crie, ça exige, ça proteste, ça se chamaille... Yaourt pour tout le monde, tarte à la rhubarbe pour Victoria, petits gâteaux pour Pierre. Victoria tend sa main vers un yaourt :
Victoria : Maman, il est à quoi mon yaourt? il est à la fraise? (ah... la fraise, je la maudis autant que le rose parfois...)
Maman : non Victoria, il n'est pas à la fraise (eh oui, les yaourts de Monop' n'ont pas de dessin pour indiquer le parfum mais que des écritures)
Victoria : il est à la vanille !!!
Je jette un oeil : vanille. Un coup de bol surement. Ni une, ni deux, elle attrape le yaourt de Pierre et je vois l'extrême concentration sur son visage (celle qu'on ne voit pas souvent d'ailleurs) et là elle, dit. Non, elle crie. Non elle hurle :
Victoria : ET CELUI DE PIERRE, IL EST A L'ABRICOT !!!!
A cet instant précis, on est tout en haut de la montagne russe. Stupeur ! Celui de Pierre est bien à l'abricot ! Miracle ! Victoria qui compte encore ses doigts lorsqu'on lui demande combien il y en a sur une main, Victoria à qui il faut expliquer 10 fois la consigne avant qu'elle ne la comprenne, Victoria qui assemble ses puzzles comme un escargot... Victoria, Victoria, MA Victoria ! MA Victoria a compris toute seule le mécanisme de la lecture ! MA Victoria déchiffre les écritures sur son yaourt. Que dis-je ? sur son yaourt ET sur celui de Pierre !
Youhou ! J'éclate de fierté. La langue française ne contient pas assez de qualificatifs pour la féliciter, alors j'enchaine en russe ! Quelle satisfaction ! Quelle gloire ! C'est l'hystérie à la maison (pour une fois, que c'est pour quelque chose de bien) ! Victoria hurle plus fort que tout le monde "JE SAIS LIRE ! JE SAIS LIRE !"
bref, l'apothéose !
La grande descente de la montagne russe, celle qui donne envie de vomir (surtout à moi), celle qui est vertigineuse et qui fait bourdonner les oreilles, ça a été quelques instants plus tard, lorsque je suis rentrée dans le salon pour me trouver face à une Victoria figée de panique, tenant à bout de bras un Paul gesticulant, dodelinant la tête au rythme des secousses que Victoria lui imposait.
Et là, tout va très vite dans la tête : 8 mètres me séparent d'elle. 8 mètres, c'est quoi ? 2 secondes ? 3 secondes ? c'est suffisant pour qu'elle le lache. Il est à plus d'un mètre du sol. Elle le porte à bout de bras, elle vacille, elle n'a plus de force, 6kg500 à bout de bras. Elle ne tient pas la tête, ses deux mains serrent sa poitrine. Elle m'a vu, je vois qu'elle a peur. Ne pas crier surtout. Je pas lui faire peur davantage. J'ai le coeur au bord des levres. J'ai peur qu'elle le lache. Elle bredouille. J'entends vaguement "Maman, Maman, pardonne moi". Le coin de la table basse est dans l'axe de la chute. Elle se tourne, amorce une descente en direction du canapé. Paul touche le moelleux du canapé au moment où je les rejoins. Victoria est en trance. "Maman, Maman, pardon, je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça"
Maman, très calme : "Victoria, va dans ta chambre". A peine prononcé, déjà disparue.
Je me suis assise sur le canapé, à côté de Paul. Canapé, qu'il n'aurait jamais du quitter. Et je l'ai serré très fort. Une frayeur innommable, bien que sans conséquence. Pardon Paul !
Comment peuvent-ils donc nous faire vivre des trucs pareils ?